Arles, Airbnb et les clés du problème
- jatzjatz
- 28 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 juil.

Il y a des images qui, à elles seules, résument un phénomène. Deux photos prises dans les rues d’Arles m’ont rappelé que derrière les façades provençales et la mémoire de Van Gogh se cache une mutation bien plus discrète — mais autrement plus profonde — de la ville. Une mutation qui porte désormais le nom “Airbnbisation », un phénomène aujourd’hui bien documenté et que j’ai déjà abordé dans ce blog à plusieurs reprises, notamment dans un article de fond sur le sujet paru en juillet 2024 : Airbnbisation, mode d’emploi. Retour donc sur un cas d’école : Arles.
Une boîte à clés comme installation artistique ?
De passage à Arles à l’occasion des Rencontres de la photographie, une excellente édition soit-dit en passant, ma femme et moi déambulions dans les rues d’Arles par une chaude après-midi d’été lorsque nous tombons sur un panneau monumental recouvert de boîtes à clés. Plus d’une centaine. Installées avec soin juste devant le Monoprix, à mi-chemin de la gare SNCF et du centre historique – autrement dit : l’endroit rêvé pour collecter la clé de sa location courte durée.
Sur le moment, j’ai cru à une installation critique. Une œuvre d’art dénonçant les dérives du tourisme de plateforme. Et ce d’autant plus que nous avions croisé à travers la ville plusieurs affichettes dénonçant l’emprise d’Airbnb sur le marché locatif local. Mais non. En y regardant de plus près, nous avons dû nous rendre à l’évidence. il ne s’agissait pas d’une provocation mais d’un dispositif fonctionnel : ces clés donnaient bel et bien accès à des meublés touristiques. Et transformant cette petite ville provencale en décor de théâtre, vidé de ses habitants, rempli de valises à roulettes et de check-in automatisés.
La Provence livrée aux ravages du surtourisme
Et ce n’est pas qu’une impression. Une petite enquête en ligne m’apprends vite qu’Arles compte beaucoup plus de meublés touristiques que de logements disponibles à la location longue durée. D’après un article du quotidien local La Provence sous la plume de Ludovic Tomas publié en février 2025, Arles comptait 1300 meublés touristiques pour seulement 150 logements longue durée en 2023. Un ratio de presque 9 pour 1 !

Dans ce contexte, qui peut encore décemment se loger à l’année à Arles ? La question n’a rien d’anecdotique : elle résume à elle seule ce que j’appelais déjà dans un précédent article la bascule structurelle de l’économie urbaine. Ce n’est plus un épiphénomène. C’est un nouveau modèle.
Airbnbisation, mode d’emploi
J’ai tenté de décrypter cette mutation dans un article plus général Airbnbisation, mode d’emploi. J’y dénonce la face cachée de la réussite d’Airbnb, la célèbre plateforme californienne de location touristique de courte durée : un bouleversement profond des structures de l’économie touristique et des marchés immobiliers et locatifs des zones concernées. À l’instar d’Uber pour la mobilité, le phénomène porte désormais un nom : Airbnbisation. L’idée n’est pas de diaboliser, mais de mettre en lumière ce que l’essor sans frein de ces plateformes fait à nos villes, à leurs habitants, à nos modes de vie.
Leçon d’Arles
Ce que raconte Arles, ce que racontent mes deux photos, c’est ce que vivent de plus en plus de villes à travers le monde : une tension croissante entre attractivité touristique et viabilité résidentielle. Une ville où les murs abritent des touristes plutôt que des habitants n’est plus tout à fait une ville. C’est un décor. Et parfois, même les installations qui semblent les plus absurdes sont bien réelles.
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