L’Europe en quête de souveraineté numérique
Quand les géants du numérique s’implantent en Europe, doivent-ils jouer selon nos règles ou selon les leurs ?

Une tribune publiée le 26 janvier 2025 dans Le Monde, signée par des spécialistes des questions numériques, des juristes et des économistes, appelle à un respect strict des règles européennes par les géants du numérique. Ce texte insiste sur les risques que ces entreprises font peser sur nos démocraties si elles continuent à contourner nos régulations, que ce soit dans le domaine fiscal, de la concurrence ou de la gestion des données personnelles.
Elon Musk et Mark Zuckerberg aux avant-postes de la désinformation
Cette alerte intervient dans un contexte géopolitique profondément impacté par l'élection de Donald Trump à la présidence des USA. Complètement décomplexés ou soucieux de complaire au nouveau locataire de la Maison blanche, les patrons des Big Tech états-uniennes, libertariens convaincus et apôtres du toujours moins d'Etat, se lâchent. Elon Musk, par exemple, utilise son réseau social X (ex-Twitter) pour déstabiliser les démocraties européennes. Depuis plusieurs mois, il vise notamment le gouvernement travailliste britannique et soutient ouvertement l’AFD, le parti d’extrême-droite allemande. De son côté, Mark Zuckerberg, patron de Meta, vient de renoncer à la modération des contenus, ouvrant la porte à la désinformation et à l’expansion de discours toxiques sur ses plateformes aux milliards d’utilisateurs : Facebook et Instagram.
L’Europe politique tétanisée par la nouvelle donne géopolitique
Le paradoxe est frappant : alors que l’Europe se positionne depuis plusieurs années en pionnière de la régulation des géants du numérique à travers la mise en place de l’arsenal juridique le plus complet au monde, la réponse politique européenne à l’activisme d’Elon Musk et aux déclarations de Mark Zuckerberg, véritable pied de nez à l’Union européenne, se fait désespérément attendre.
La tribune du Monde souligne ce silence incompréhensible, qui donne l’impression d’une Europe paralysée – des lapins pris dans les phares – face à ces acteurs du numérique puissants et sans scrupules, galvanisées et décomplexées par la victoire de Donald Trump.
Pourtant, l’arsenal juridique européen est solide :
Le RGPD (Règlement général sur la protection des données) impose des obligations strictes pour protéger les données personnelles, renforçant les droits des utilisateurs.
Le DMA (Digital Markets Act) s’attaque aux pratiques anti-concurrentielles des plateformes dominantes, en ciblant leur monopole sur des secteurs clés comme le commerce électronique (Amazon), les moteurs de recherche (Google) et les réseaux sociaux (Facebook, Instagram). J’avais chroniqué sa naissance dans un précédent billet de blog « L’Union européenne adopte le Digital Market Act (DMA), une avancée majeure »
Enfin, des sanctions fiscales majeures ont déjà été infligées aux GAFAM pour leurs pratiques agressives d’optimisation fiscale en Irlande et au Luxembourg.
Si la tribune ne nomme personne en particulier, le manque de réactivité politique en Europe pourrait s’expliquer par le départ de deux figures clés de l'exécutif européen : le français Thierry Breton (ex. commissaire au Marché intérieur) et la danoise Margrethe Vestager (ex. commissaire à la Concurrence), deux acteurs essentiels des précédentes avancées européennes en matière de régulation numérique.
Souveraineté numérique et défense de la démocratie
Au-delà des textes et des amendes, cette inaction met en lumière un enjeu stratégique : défendre la souveraineté numérique européenne, c’est défendre nos valeurs démocratiques et notre vision d’un numérique éthique et respectueux des citoyens.
Lire la tribune complète ici : "Il est impératif que les géants du numérique respectent les règles européennes des pays où ils opèrent" 👉 Lien
Cette approche est aussi celle de la chercheuse et politologue d’Asma Mhalla. Dans son dernier ouvrage Technopolitique (2024), l’autrice défend la thèse selon laquelle les big tech, majoritairement états-uniennes, redéfinissent les jeux de pouvoir et de puissance entre nations, s’imposent comme des agents perturbateurs de la démocratie et tracent les nouvelles frontières de la souveraineté.
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